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Denis St-Michel

Agiliste / PSPO II · PSM II · PAL · SPS / Je rends les équipes hautement performantes et j’accrois la valeur des produits.

Qui a dit que le rôle de chef de produit (PO) ne s’articulait qu’autour de bonnes connaissances techniques, technologiques, commerciales ou agiles? Créer des produits de qualités, qui ont beaucoup de valeur, nécessite aussi de se pencher sur le côté humain du produit. Après tout, ce sont bien des personnes réelles qui en retireront les bénéfices. À travers nos événements Scrum, notre horaire chargé, la liste des requis à considérer et les milles et une autres tâches que nous avons à accomplir, comment intégrer efficacement des pratiques relationnelles dans l’élaboration de nos produits?

Je vous propose 5 astuces faciles à mettre en place, qui ne sont pas très énergivores et qui offrent un très grand retour sur investissement.

 

1 . Comprenons ce qui est important pour les gens, par l’observation.
Tout comme chaque individu voit le monde différemment, chaque persona qui bénéficiera de notre produit n’accordera pas la même importance à chaque fonctionnalité. Connaître ce qui est important pour nos utilisateurs, nos clients, notre équipe et les autres parties prenantes est important. Et ça l’est encore davantage lorsque nous devons gérer des attentes, négocier ou mettre en place des changements.En général, la personnalité individuelle de chacun fera en sorte que l’un des éléments suivants aura une plus grande résonnance chez l’un ou chez l’autre. Ces quatre éléments sont le QUOI, le POURQUOI, le QUI et le QUOI D’AUTRE.Par exemple, lorsque l’on met en place un changement important dans notre produit, certains utilisateurs voudront connaitre la nature du changement. Leur intérêt principal est de pouvoir continuer à utiliser le produit, en sachant QUOI faire maintenant. Ces gens auront moins de curiosité sur les raisons ou les hypothèses à la base de ce changement.

Pour d’autres, ce qui comptera vraiment sera de comprendre le raisonnement et le justificatif derrière cette décision. Le POURQUOI est nécessaire pour eux afin d’absorber ce changement positivement.

Certains autres bénéficiaires de notre produit auront un réflexe plus social et chercheront à connaître QUI sont les acteurs de ce changement, QUI en sera affecté et auprès de QUI chercher de l’aide ou émettre des commentaires.

Enfin, certains utilisateurs plus créatifs, pour qui l’innovation est un moteur de réflexion chercheront à imaginer QUOI D’AUTRE pourrait être fait, puisque nous sommes dans le changement.

En observant la réaction des gens qui gravitent autour du produit, en étant attentif au genre de question qu’ils soulèvent habituellement et en tentant de les rattacher à l’un des 4 paradigmes de pensées (le QUOI, le POURQUOI, le QUI et le QUOI D’AUTRE), on peut avoir une meilleure connaissance de notre marché et de ce qui compte le plus pour les gens au sein de celui-ci. Dans nos communications écrites ou orales, ainsi que dans les textes de notre application, si nous tentons de couvrir ces 4 paradigmes, nous nous assurerons d’être entendu dans le langage privilégié par notre audience, et notre produit n’en sera que meilleur, puisqu’il résonnera auprès de ces 4 types de personnalité.

 

2. Développons volontairement notre empathie dans les fonctionnalités que nous développons.
Comment injecter un peu d’empathie dans les fonctionnalités que nous développons? C’est plus simple qu’on ne peut le croire. Pensons aux gauchers qui utiliseront notre application. Pensons aux daltoniens. Tentons de nous mettre dans la peau du personnel de soutien 24/7 qui recevra un appel d’un utilisateur qui vit un bogue dans son utilisation du logiciel… au moment où il en a le plus besoin. Si une erreur survient sur le site, quel message offrons-nous à l’utilisateur? Quelles informations rendons-nous disponibles à l’équipe de soutien et à l’équipe de développeurs?Lors des sessions de raffinement avec notre équipe, penchons-nous sur ces questions. De petits ajustements à nos fonctionnalités peuvent les rendre plus empathiques. Par exemple, lors d’un message d’erreur à l’utilisateur, proposons-lui d’autres actions, plutôt que de le laisser dans un cul-de-sac, comme un message générique d’erreur 404 par exemple. Offrons dans l’interface un numéro de référence d’erreur, qu’il pourra fournir à la personne du soutien technique qui prendra son appel. D’ailleurs, rendons la vie facile à ce technicien – donnons-lui un accès facile aux journaux d’incidents correspondants à ce code d’erreur.Andrea Goulet a maintes fois présenté des conférences sur le sujet. Elle en fait même son cheval de bataille. Le Keynote qu’elle a donné à ce sujet à l’Agile Tour Québec en 2018 est disponible ici : https://www.youtube.com/watch?v=CqodKpdtLlA&t=1s.

 

3. Considérons les émotions des bénéficiaires de la valeur.
Quelles émotions seront suscitées par la livraison de la fonctionnalité? Quelles émotions seraient suscitées si on ne livrait pas la fonctionnalité? Un produit de grande qualité suscite généralement une réaction émotionnelle auprès de l’utilisateur, particulièrement lorsque ce produit est utilisé pour la première fois ou est mis à jour.Lors de nos sessions de raffinement ou de nos ateliers de découverte, tâchons d’ajouter cette composante émotive à notre réflexion. À cet effet, l’on peut s’aider des courbes du graphe de Kano1 et se poser une question toute simple : « Face au déploiement de cette fonctionnalité que nous souhaitons développer, est-ce que l’utilisateur sera soulagé, content, ou enchanté? »Notre produit sera perçu comme meilleur si nous mettons l’emphase sur le développement de fonctionnalités qui va de pair avec la position de notre produit dans son cycle de vie. Par exemple, si nous souhaitons pénétrer un nouveau marché, nous souhaiterons attirer nos premiers utilisateurs. Pour faire cela, nous préconiserons davantage les fonctionnalités qui vont enchanter l’utilisateur.

Par contre, si nous sommes en phase d’acquisition de masse critique d’utilisateurs, nous opterons pour les fonctionnalités considérées comme absolument nécessaires aux yeux de notre clientèle, c’est-à-dire les fonctionnalités qui soulageront les utilisateurs des problèmes et des difficultés auxquelles ils font face.

Être à l’écoute des émotions des gens avec qui nous collaborons nous aide aussi à agir plus judicieusement avec eux. En somme, introduire dans notre quotidien très technique une attention aux émotions d’autrui nous permet de créer un meilleur produit, mais aussi de devenir une meilleure personne et d’enrichir nos relations humaines.

 

4. Recherchons parfois le consentement, au lieu d’essayer d’obtenir le consensus.
En équipe, lorsque nous devons prendre des décisions, nous avons l’instinct de vouloir plaire à tout le monde. Cela n’a rien de surprenant; nous sommes des êtres grégaires, nous collaborons avec des personnes exceptionnelles, et nous visons constamment la bonne entente.L’une des conséquences négatives de ce réflexe est d’allonger le cycle décisionnel. Nous avons tous vécu cette situation où un débat au sujet d’un choix architectural ou fonctionnel s’étire en longueur. Notre session de raffinement s’éternise, et l’on sent que deux idées fortes se chamaillent. Notre instinct nous dicte, inconsciemment, de poursuivre les discussions jusqu’à ce que tous s’entendent et s’accordent.Or, il y a un coût certain à ces débats qui s’étirent et se complexifient. La résultante est souvent que les personnes les moins batailleuses finissent par abdiquer et se plier à l’idée des autres, « afin de passer à autre chose ». Il y a quelque chose de très pernicieux à cette situation. Les « perdants » du débat ont l’impression de n’avoir pas été entendus, et les « gagnants » ressentent bien que la décision retenue ne fasse pas l’unanimité. Leur « victoire » a un goût amer.

Un petit truc simple et tellement sécurisant pour l’équipe consiste à se donner le droit de dire « je n’adhère pas à cela, mais je suis d’accord pour l’essayer. » Embrassons le désaccord de façon positive et permise.

Le consensus décisionnel s’exprime par « tout le monde est d’accord et engagé à 100% ».
Le consentement décisionnel s’exprime par « personne n’est 100% en désaccord ».

Il s’agit, j’en conviens, d’une toute petite nuance. Mais elle peut rapporter gros, quand on accepte de conclure une décision avec un consentement plutôt qu’avec un consensus. D’une part, l’équipe peut s’approprier cette règle pour permettre à chacun de ces membres de « gagner » de temps en temps, et ça, c’est très précieux. Et que dire de tout le temps sauvé ainsi? On peut largement bonifier notre produit par la création d’autre valeur avec cette énergie parfois perdue en débats et en discours!

 

5. Pratiquons l’écoute active.
Pour bien comprendre les préoccupations très humaines qui doivent être considérées dans l’élaboration de notre produit, rien ne vaut une écoute active de qualité. Avec une écoute active bien sentie, nous mettons réellement au service de nos clients nos forces de chef de produit. Nous pouvons mieux cerner les besoins réels et les opportunités de création de valeur qui, autrement, nous échappent. L’écoute active au cœur de nos pratiques de product ownership peut faire la différence entre un bon produit et un produit exceptionnel.À l’ère des Zoom Meetings, le défi pour un Product Owner est d’autant plus grand que la connexion avec les gens se fait dans le monde à deux dimensions. Fermer toutes les fenêtres de notre ordinateur, mettre en sourdine courriel, messagerie et téléphone portable ne prend que quelques secondes. C’est un truc si simple à faire, qu’on évite de le faire, par négligence.

Le produit que nous concevons doit être le reflet des différentes parties prenantes qui gravitent autour de nous. Mieux écouter, c’est se donner une chance de créer un produit dont la valeur est plus justement arrimée aux préoccupations de nos interlocuteurs.

 

Ces 5 trucs faciles à appliquer permettent de créer des produits de plus grande qualité, car nous pourrons en définir les requis avec de l’empathie, de la collaboration, de l’écoute et des émotions. Au bout du compte, il s’agit simplement de se rappeler que nous sommes des humains qui interagissons ensemble et qui établissons des relations.

Le produit que nous créons ne devrait être qu’un bi-Product de tout ça!

1Si vous êtes curieux au sujet de la théorie de Kano et de ses nombreuses applications dans la gestion de produit, écoutez mon épisode de Balado Agilibrium dédiée à Kano ici : https://agilibrium.buzzsprout.com/1451563/7713649-06-le-modele-de-kano

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