Derrière cette question provocatrice, se trouve surtout une réflexion autour de l’impact que nous avons sur les organisations que nous aidons.
Suite à mes expériences et discussions avec des pairs, on se rend compte que dans certaines équipes ou organisations il y a une succession (ou rotation importante) de Coachs ou Scrum Masters. Ces derniers amènent constamment quelque chose de nouveau dans les pratiques, les points de vue dans l’approche à la résolution de problèmes ou encore la dynamique d’équipe. Ce qui finalement, ne laisse pas le temps à ces équipes de “digérer” leur dernier changement. La fameuse fatigue du changement selon moi.
De plus, nous voyons bon nombre d’organisations qui se disent agiles sans avoir compris pourquoi ou comment l’être. Comment livrent-elles plus rapidement de la valeur aux clients ? Les équipes ont-elles la liberté de choisir comment travailler ? Les gestionnaires s’assurent-ils que les équipes ont un environnement motivant et dans lequel les gens expérimentent, peuvent se tromper et pivoter rapidement ?
Pourtant la « résistance » au changement existe encore et les transformations restent localisées plutôt que réellement systémiques. Et ce n’est pas par manque d’efforts et d’engagements des acteurs, d’autant plus qu’on n’a jamais autant parlé d’agilité dans les organisations que maintenant. Alors que se passe-t-il réellement ?
Si c’est seulement récemment que je me pose cette question si l’on devait encore parler d’agilité, dans mes recherches pour écrire ce billet j’ai remarqué qu’il y a déjà une lame de fond qui existe depuis plusieurs années, initiée par des signataires mêmes du manifeste agile.
Ces derniers ont exprimé leur mécontentement, voire leur sidération au regard du chemin emprunté dans l’univers Agile. C’est le cas dès 2014 avec Allen Holub, une figure du développement logiciel, en 2015 avec Pragmatic Dave Thomas ou encore avec Ron Jeffries dans son blogue. D’autres personnes comme Doc Norton – créant #NotmyAgile sur Twitter – ou Al Shalloway – commentant certaines pratiques sur LinkedIn – mettent en lumière les comportements anti-patterns qui se sont développés jusqu’à maintenant. À travers ces lectures et vidéos, on ressent une remise en cause de l’industrialisation de l’Agilité.
On peut aussi lire que certains disent que le manifeste Agile a mal vieilli à cause de sa limitation au développement logiciel, et ce malgré la justesse de ses valeurs et principes. Je suis plutôt d’avis que ce premier manifeste est un excellent référentiel pour les équipes TI.
Mais comme vous venez de le lire, j’ai bien écrit, ‘ce premier manifeste’. Nous avons en effet la chance d’être dans une communauté dynamique qui repousse constamment les limites de notre univers Agile. Je considère ainsi Modern Agile et Disciplined Agile comme les référentiels majeurs suivants qui s’adressent à toutes les équipes et au reste de l’organisation, et ce, de manière agnostique et non prescriptive.
Et face à la quantité importante d’approches, de pratiques, de chemins de pensée, on se rend compte que beaucoup de gens et organisations se sentent en difficulté et ne savent plus quel chemin prendre. C’est à partir de ce constat que je trouve que la notion d’Agilité a majoritairement perdu de son sens.
Tout comme les personnes nommées au début de ce texte le pensent, cela m’a pris plusieurs années pour me forger ma propre opinion, et parler de transformation agile ou d’agilité ne semble plus vouloir me dire grand-chose finalement.
En tant que Coach nous sommes aux côtés des organisations pour leur présenter les stratégies, pratiques et outils potentiels pour qu’elles deviennent performantes dans leurs marchés, mais surtout pérennes. Et pour être pérennes, ces organisations doivent être en mesure de changer de cap rapidement dans leur contexte. Cela implique également un changement de culture organisationnelle, puisqu’un individu doit avoir les moyens pour évoluer dans une équipe, l’équipe dans l’organisation et l’organisation dans son marché. Pour que cela prenne racine et perdure, il faut engager les réflexions et discussions au sommet d’une organisation, dans la C-Suite (CEO, CTO, CFO, etc. qui peut également permettre de poser la question à quand un CAO – Chief Agile Officer ou un CCO – Chief Cultural Officer). Je trouve que les référentiels mentionnés ci-haut (le manifeste agile, Modern Agile et Disciplined Agile) ont du mal à marquer les esprits et ne poussent pas ces hauts gestionnaires à leader par l’exemple dans la majorité des cas.
Cependant, au fil de mes apprentissages, j’ai trouvé un livre qui répond très bien à cet enjeu qui parle d’Agilité des organisations sans utiliser un vocabulaire agile, et qui alignerait parfaitement ces hauts cadres avec les efforts du reste de leur organisation.
Ce livre est « Infinite Game » de Simon Sinek1. Il nous propose un point de vue des affaires, avec pour essence le fait qu’une organisation ne peut pas « gagner » le monde des affaires, mais bien faire durer le jeu des affaires et y participer le plus longtemps possible. Nombre des stratégies qu’il présente pour démontrer l’importance de cette notion de jeu infini se trouvent dans notre univers agile.
À travers 6 grands thèmes (Just Cause, Trusting Teams, Will and Resources, Worthy Rival, Courage to Lead, Existential Flexibility), il décrit et propose des approches que nous connaissons déjà tous, mais sous un autre vocabulaire, comme le « True North », la confiance ou des environnements psychologiquement sécuritaires, la place de l’humain et ainsi de suite. Des propos qui toucheront au cœur nos fameux hauts cadres, mais renforcent le savoir-faire et savoir-être agile que nous visons depuis très longtemps, cela ne fait aucun doute pour moi.
A-t-on enfin trouvé le référentiel qui nous permet de parler d’agilité sans parler d’Agilité ?
1. Auteur nous ayant déjà offert « Start With Why » et « Leaders Eat Last ». Les cercles de confiance, c’est lui aussi. « Infinite Game » vient un peu comme une conclusion à cette série de livres.